Images du pouvoir et pouvoir des images. Essai sur la représentation iconographique du roi médiéval

Souligner parmi les représentations du pouvoir la puissance particulière des images ne constitue pas sur le plan historique une démarche nouvelle. Le thème est même récurrent et il a déjà permis la réalisation de nombreuses études[1].Pour autant, chaque période de l’histoire politique présente dans ce domaine des particularités, et tenter de déceler le sens que l’on donne au Moyen-Âge à la représentation du pouvoir monarchique ne manque pas de légitimité[2]. Cette période connaît en effet une profusion d’images, notamment religieuses[3] (ce qui constitue une exception propre au monothéisme chrétien[4]), mais le roi cherche aussi constamment à «être vu»[5], et si ce n’est directement, ce sera à travers des moyens qui le représentent. L’image est en effet un «outil pédagogique de longue date au service de la pastorale religieuse, mais aussi de la représentation du pouvoir politique»[6].

Pour l’autorité royale, elle constitue un véritable langage qui vient exprimer des valeurs et véhiculer un discours[7]. En effet, au même titre qu’ils mobilisent toute une réserve de mots et de concepts, et que se développe déjà une véritable «littérature politique»[8], ceux qui sont dévoués à la cause royale disposent aussi d’un outillage iconographique perfectionné. Depuis longtemps, «l’imagerie politique [est capable de] rendre sensible, d’animer des principes théoriques, de concrétiser des valeurs». Elle permet «une visualisation et une concrétisation narrative des idées»[9] et ses outils sont autant «d’armes mentales» susceptibles de «faire naître l’adhésion»[10]. La représentation iconographie que roi n’est donc pas neutre: elle s’inscrit dans une démarche clairement politique et idéologique dont il va s’agir de déceler les fonctions[11].

Or, cette tendance à mobiliser les moyens iconographiques va s’accentuer avec le renforcement du pouvoir monarchique: «la représentation du pouvoir royal se développe en Occident [surtout] à la fin du Moyen-Âge en lien avec la montée en puissance des souverains et l’affirmation de l’État et de son appareil»[12]. Jusque-là, la culture, placée sous le contrôle des clercs, est dominée par la recherche du salut dans une perspective eschatologique: le pouvoir terrestre a alors un rôle à jouer au regard de la destinée spirituelle de l’homme et une étroite collaboration est nécessaire entre la puissance royale et l’autorité sacerdotale. À partir du règne de Philippe-Auguste (1180-1223) s’opère une profonde mutation, à la fois territoriale, politique, institutionnelle et culturelle: animés d’une ferveur nouvelle, les auteurscélèbrent la croissance d’une institution monarchique qui commence à s’extraire de l’emprise du pouvoir spirituel. Cela se traduit par une multitude d’œuvres politiques, historiques, poétiques mais également iconographiques dont l’étude dépasserait le cadre de cette modeste contribution. Elle se limitera pour cette raison à la période située entre le début de la monarchie franque, avec l’avènement de Clovis, et le règne de Philippe-Auguste, à la charnière des XIIe et XIIIe siècles[13].

Malgré cela, l’approche de ces sources – au demeurant déjà très nombreuses – s’avère complexe et leur lecture polysémique. Or, lorsqu’on n’est ni sémiologue ni historien de l’art[14], certains messages contenus dans ces représentations risquent d’échapper. En revanche, l’historien des institutions et des idées politiques est capable de replacer une source dans le contexte idéologique, politique et institutionnel qui l’a vue naître et ainsi d’en expliquer la fonction, ce qui constituera le principal objectif de cette contribution.

Pour autant, il faut mesurer aussi les multiples difficultés inhérentes à la source iconographique elle-même,dans la mesure où «l’image nécessite des précautions culturelles et un souci d’historicisation et de contextualisation»[15] qu’il est souvent difficile de satisfaire. Le premier obstacle est lié à la multitude des supports possibles qui attribuent à l’image qu’ils portent une fonction nécessairement différente: qu’il s’agisse de pièces de monnaie, de fresques, de mosaïques, de sculptures, de vitraux, de tapisseries, de sceaux ou d’enluminures venant orner un manuscrit, la visibilité de l’œuvre n’est pas la même et son objectif s’en trouve changé. Pour l’essentiel, les images faisant l’objet de la présente étude proviennent d’enluminures qui, bien qu’étant majoritairement religieuses à cette époque[16], ne négligent pas la représentation de la personne royale. «Le livre manuscrit demeure depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du Moyen-Âge […] le mode privilégié de diffusion et de communication des œuvres de l’esprit humain dans leurs aspects les plus divers»[17], y compris des messages politiques. Par ailleurs, au-delà de la diversité des supports, on remarque une certaine permanence des codes représentatifs, qui est aussi la conséquence de la taille de l’image imposant un discours ramassé, incisif et capable d’aller à l’essentiel[18].

À cela s’ajoute une totale incertitude concernant les auteurs de ces œuvres qui demeurent inconnus. On peut simplement supposer – si l’on excepte les pièces de monnaie et les sceaux émanant des ateliers royaux -que les enluminures sont réalisées dans les milieux monastiques et épiscopaux proches du pouvoir royal. Ce n’est que plus tard, semble-t-il,  qu’apparaîtront les «artistes de cour», ces «faiseurs de gloire» qui magnifient la puissance du souverain aux derniers siècles de l’Ancien-régime[19]. Pour l’heure, la production de manuscrits enluminés, reste le monopole du clergé, les centres de production privilégiés étant les monastères et les écoles capitulaires auprès desquels se trouvent des ateliers de copie, les scriptoria[20]. Or, les premiers capétiens disposent dans leur entourage de grandes abbayes qui rayonnent par leurs écoles, ainsi que de sièges épiscopaux prospères qui conservent le monopole du savoir et où se reproduisent les élites intellectuelles[21].Quant aux commanditaires de ces œuvres (hormis encore une fois les fruits du monnayage), on ne peut les imaginer que proches, voire au service du pouvoir, bien qu’une certaine distance idéologique transparaisse parfois.

Des doutes subsistent également quant auxdestinataires de ces œuvres qui demeurent incertains. On a souvent répété, depuis la célèbre formule de Grégoire le grand, que les images constituaient «la bible des illettrés»[22]. Si cela est valable pour les images religieuses – dont un espérait qu’elles suppléeraient des textes inaccessibles à la grande majorité – cela est moins vrai pour une iconographie politique dont les destinataires ne doivent pas nécessairement être très nombreux. Hormis le cas des pièces de monnaie, appelées par définition à circuler, les miniatures politiques illustrant des manuscrits sont essentiellement une œuvre des élites à destination des élites[23]. Par ailleurs, pour essayer de saisir la fonction de ces images, il est sans doute plus utile de se pencher sur les intentions des émetteurs que sur les hypothétiques perceptions des récepteurs[24]. Ce qui complique notoirement la question est que les œuvres sont souvent relatives à des faits ou des personnages de plusieurs siècles antérieurs à leur réalisation: nous disposons ainsi de nombreuses enluminures des XIIIe et XIVe siècles représentant des rois carolingiens voire mérovingiens. Le décryptage du message devient alors plus complexe puisqu’il faut également apprécier la part de réinterprétation de l’histoire à laquelle l’auteur s’est livré.

La grille de lecture d’une œuvre suppose schématiquement trois étapes successives: sa description, l’évocation du contexte et son interprétation[25], mais celle de l’image politique appelle à une grande prudence au moins pour deux raisons: d’une part, la compréhension d’une œuvre suppose une «culture des signes» dont nous ne disposons plus nécessairement[26]; d’autre part, les risques d’anachronisme dans l’interprétation sont fréquents. Divers auteurs ont montré par exemple qu’au Moyen-Âge, la «politique» n’existe pas à proprement parler en tant que champ autonome, telle qu’on la conçoit dans l’univers intellectuel et mental contemporain[27]. Il paraît donc difficile de faire usage de nos concepts et de les transposer à une réalité qui leur est étrangère. De même, il est facile et tentant de voir dans les représentations iconographiques du roi médiéval de simples œuvres de propagande[28]. Ici aussi, la notion doit être utilisée avec précautions: si l’on considère la propagande comme «une stratégie de communication visant à convaincre», elle implique aussi «la mise en œuvre de techniques spécifiques et l’existence d’une opinion publique», et il faut alors «contester sa pertinence pour des époques qui ignoraient les unes comme l’autre»[29]. Si la propagande vise à « forcer la conviction » et à « faire croire», la notion est inadaptée à la mentalité médiévale où le sujet est passif et déjà conquis. Rappelons avec Paul Veyne que «l’idée moderne […] de propagande suppose qu’il faut politiser les populations ; que seule une action positive du pouvoir met et maintient les peuples dans le sens souhaité et que leur obéissance est une création continuée. C’est oublier que pendant des millénaires la bonne recette de gouvernement a été exactement le contraire: laisser vivre les populations dans l’incurie [et] ne pas exciter les esprits prompts à l’insubordination»[30].

En d’autres termes, il peut y avoir des moments, au cours du Moyen-Âge, où le pouvoir royal est faible et où il cherche à susciter un consensus par des images qui, si elles étaient transposées à une autre époque, pourraient passer pour des œuvres de propagande. Mais de manière générale, il s’agit davantage d’exprimer la grandeur du monarque, la splendeur d’un souverain à laquelle ses sujets sont présumés croire d’avance: plus que la persuasion, l’effet recherché est celui de l’exhibition du pouvoir à travers des images d’apparat.

Ces considérations nous renvoient donc à la question complexe de la fonctionde l’image du roi médiéval. Nous négligerons la dimension mystique de ces représentations[31] pour n’en retenir que l’aspect politique, où elles apparaissent clairement comme un discours en appui (par exception au détriment) du pouvoir, un moyen au service d’une fin. Ce qui compte en effet est qu’elles enclenchent un processus de recomposition imaginaire tendant à engendrer l’adhésion sans nécessairement expliciter, et permettre «la reconnaissance et l’institutionnalisation de l’autorité»[32]. Leur fonction est alors clairement légitimante, destinée à susciter un consensus autour de l’institution royale. Mais leur fonction consiste aussi plus simplement à montrer le roi tel qu’il se donne à voir, accroître sa visibilité[33]. La stratégie iconographique relève alors de la mise en scène du pouvoir[34] et magnifie le souverain avec tout l’apparat inhérent à sa fonction. Les images le figurent en majesté ; elles le représentent en action, une action que sa puissance rend possible, légitime et nécessaire. Les représentations iconographiques du roi médiéval semblent ainsi présenter prioritairement une triple fonction: celle de légitimer le pouvoir (I), d’en souligner la majesté (II) et d’en illustrer les multiples domaines d’action (III).

  1. Des images de légitimation

Que l’iconographie officielle ait une fonction de légitimation du pouvoir semble constituer une réalité à la fois avérée et universellement répandue[35]. A une époque où la visibilité du prince est nécessairement réduite, son effigie, son portrait, son empreinte au droit des monnaies sont autant de moyens pour légitimer et asseoir son autorité. Cela est d’autant plus nécessaire lorsque le pouvoir vient de changer de mains, suite à une conquête ou une mutation dynastique par exemple, et qu’il faut le justifier et le rendre acceptable autrement que par la force.

Cela s’obtient parfois en essayant de montrer – alors que tout confirme le contraire – que le nouveau souverain se place dans la continuité rassurante du régime antérieur qui vient pourtant de s’effondrer. Clovis, le guerrier barbare, devient non seulement chrétien, mais se fait acclameren tant que «consul et Auguste»[36]. Tout en ne renonçant pas au modèle germanique et franc de la royauté, le «princeps» entretient ainsi la fiction de la continuité impériale qui fait de lui «le dépositaire d’une certaine légitimité romaine»[37]. Ce syncrétisme se traduit également sur le plan de la symbolique du pouvoir et Clovis donne, y compris dans son apparence, une image composite: il  conserve la longue chevelure et le torque des rois francs, mais porte le manteau pourpre de l’empereur romain[38].

Plus encore, les rois carolingiens ont su opérer cette «transmutation de l’héritage antique» que leurs images ne cessent de véhiculer[39].A ce titre, la Renovatio romani imperii, est en quelque sorte le point culminant de cet enracinement du pouvoir dans la continuité du prestigieux Empire romain[40]. La titulature de Charlemagne qui en découle est assez explicite: «Charles, sérénissime Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique Empereur, gouvernant l’Empire romain, et par la miséricorde de Dieu, roi des Francs et des Lombards». Quant à ses monnaies, qui nous offrent une image de l’empereur, elles vont également dans le même sens: les deniers imitent les anciennes pièces impériales, l’endroit portant le portrait du nouveau souverain, revêtu d’un manteau retenu par une fibule et la tête ceinte de lauriers; la mention qui l’entoure est également sans équivoques: Karolus Imperator Augustus (Charles Empereur Auguste).

Monnaie carolingienne représentant Charlemagne, Mayence, 812-814, BnF, département des Monnaies, médailles et antiques, AF 981.
Monnaie carolingienne représentant Charlemagne, Mayence, 812-814, BnF, département des Monnaies, médailles et antiques, AF 981.

Mais cet Empire romain rénové est avant tout un Empire chrétien et Charles tient à véhiculer cette image qui est désormais la sienne, celle du Rector populi christiani. La célèbre statuette équestre de Charlemagne, originaire de Metz et conservée au musée du Louvre, nous en fournit une illustration: le cavalier porte un globe dans sa main gauche, symbole de l’universalité de son pouvoir, et il portait jadis une épée dans sa main droite. Mais arrêtons-nous surtout sur sa couronne ornée de quatre aigrettes trifides[41]: il s’agit semble-t-il d’adresser un message aux quatre points cardinaux, dans toutes les directions de cet Empire dilaté où son pouvoir s’impose: celui du dogme trinitaire que Charles a réussi à imposer à l’issue d’un long combat théologique[42].

Statuette équestre de Charlemagne, bronze (25 cm), provenant de la Cathédrale de Metz, 1ère moitié du IXe siècle, Paris, Musée du Louvre.

Statuette équestre de Charlemagne, bronze (25 cm), provenant de la Cathédrale de Metz, 1ère moitié du IXe siècle, Paris, Musée du Louvre.
Statuette équestre de Charlemagne, bronze (25 cm), provenant de la Cathédrale de Metz, 1ère moitié du IXe siècle, Paris, Musée du Louvre.

En effet, à la légitimité fondée sur la continuité impériale s’ajoute, plus puissante encore, l’assise religieuse du pouvoir royal. Celle-ci remonte au baptême de Clovis, origine de ce lien désormais indissoluble entre l’Eglise et la monarchie franque et acte fondateur de la Nation[43]. La représentation du baptême de Clovis, datant de la fin du Ve siècle, et qui ne va pas sans rappeler le baptême du Christ dans les eaux du Jourdain, a été maintes fois répétée : «Clovis, couronné mais dévêtu, se tient dans la cuve baptismale au centre de la représentation. À droite, Saint Rémi, en vêtements épiscopaux, s’apprête à officier, tandis que la colombe céleste apporte le chrême de la Sainte-Ampoule»[44]. La légende de la Sainte-Ampoule apportée par une colombe représentant le Saint-Esprit, apparaît pour la première fois sous la plume d’Hincmar de Reims dans sa Vita SanctiRemigi, rédigée vers 876-878[45]. Elle sera ensuite très largement répandue et utilisée comme une formidable source de légitimation religieuse du pouvoir, dans la mesure où le baume contenu dans la Sainte-Ampoule servira au sacre de la plupart des rois de France[46] appartenant à cette même lignée spirituelle, celle d’une «race sainte» ; l’association de deux rites initialement distincts s’instaure durablement dans les esprits.

Baptême de Clovis

Baptême de Clovis : à gauche, enluminure (BnF) ; à droite,  miniature anonyme, domaine public (BnF).
Baptême de Clovis : à gauche, enluminure (BnF) ; à droite, miniature anonyme, domaine public (BnF).

Cela est d’autant plus utile que, pendant longtemps, le sacre «fait le roi» et il est donc considéré comme le fondement essentiel du pouvoir; après avoir en quelque sorte légalisé le coup d’état de Pépin le Bref en 751, il devient la principale source de légitimité d’une monarchie chrétienne où le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel tendent à se confondre[47]. Aussi, les représentations de cet événement, qui est en même temps une manifestation exceptionnelle de la volonté divine et un moment fondateur dans le processus de prise en main du pouvoir, se sont multipliées[48]. «Le rituel du sacre médiéval est réglé par un ordo, c’est-à-dire un recueil d’oraisons et d’hymnes liturgiques accompagnés de brèves indications sur le déroulement de la cérémonie»[49], dont de très rares ont été illustrées (comme c’est le cas ici avec un ordo de 1250).

Au cours de la messe du sacre, dans la cathédrale de Reims, tandis que le roi a déjà pris place dans le chœur, les moines da Saint Rémi de Reims apportent la relique la plus précieuse, la Sainte-Ampoule servant à l’onction du roi. Mais avant cela, le roi fait une série de «promesses» parmi lesquelles notamment celle de protéger l’Eglise, de faire régner la paix et la justice. Vient ensuite «l’élection» (une fiction désormais puisque la royauté est héréditaire), qui se résume à recueillir l’assentiment du peuple rassemblé. Le roi est alors dévêtu de ses habits de simple laïc de manière à recevoir sur son corps (à gauche au centre) la «septuple onction»[50]. La remise des insignes royaux (regalia) encadre l’onction[51]: «l’épée nue, [d’abord] posée sur l’autel, est remise au roi par l’archevêque (à gauche) comme pour un adoubement […] puis le sénéchal [ou le connétable] (à droite) la porte pour le reste de la cérémonie»[52]. Ensuite, le roi reçoit des habits presque semblables à ceux du prêtre, la tunique hyacinthe et la chape (à droit en haut). Assis sur un trône (image de droite en bas), il peut alors recevoir les autres insignes royaux, notamment la couronne posée sur la tête du roi par l’archevêque de Reims en même temps qu’elle est soutenue par les pairs du royaume. «Puis chacun des pairs donne au roi le baiser de paix signe d’engagement et de fidélité»[53].

Le sacre du roi de France; enluminures du XIIIème siècle (vers 1280), BnF, Latin 1246, fol. 26.

Le sacre du roi de France; enluminures du XIIIème siècle (vers 1280), BnF, Latin 1246, fol. 26.
Le sacre du roi de France; enluminures du XIIIème siècle (vers 1280), BnF, Latin 1246, fol. 26.

Soulignons que, comme les rois bibliques, le roi est transfiguré par une onction qui est aussi un investissement de son âme par l’Esprit

de Dieu: elle lui confère une dimension, une puissance et une mission nouvelles. «Oint du Seigneur», il est désormais un «roi prêtre» (rex et sacerdos) chargé d’un ministère quasi-sacerdotal, une mission salvatrice pour le peuple chrétien; il s’autorise d’ailleurs à manifester quelques vertus thaumaturgiques au moment du toucher des écrouelles[54]. Par ailleurs, à présent qu’il est «enflammé de zèle pour la cause de Dieu», le roi, bientôt qualifié de «très chrétien»,devient un ardent défenseur de la foi et un dévoué protecteur du clergé.

Si le prestige du sacre est un moyen de renforcer et de légitimer la puissance royale, rappelons que le roi est longtemps un roi féodal.

Jean II adoubant des chevaliers, enluminure, BnF; Français 73, folio 386 Origine: BNF, Richelieu, Manuscrits Français, Grandes chroniques de France, Paris, XIVe / XVe siècles.
Jean II adoubant des chevaliers, enluminure, BnF; Français 73, folio 386 Origine: BNF, Richelieu, Manuscrits Français, Grandes chroniques de France, Paris, XIVe / XVe siècles.

Mais cette position ne présente pas que des inconvénients: cette image d’une royauté féodale est une source supplémentaire de légitimitéet lui procure aussi des avantages, si tant est qu’il ait les moyens de s’imposer au sommet d’une hiérarchie féodale longtemps théorique, et de maintenir les barons et leurs terres dans la mouvance de son autorité.Ce n’est qu’une fois épuisées toutes les potentialités contenues dans sa position de suzerain, qu’il développe un pouvoir de nature et de portée différentes que sera la souveraineté. Le pouvoir à présent assis sur une base idéologique et institutionnelle plus solide, les images qui cherchaient à justifier sa légitimité se muent en représentations de sa majesté. 

  1. Des images de majesté

Grandeur, puissance, faste et apparat, voilà quelles sont les fonctions d’une deuxième série de représentations iconographiques du roi médiéval.En effet, selon les époques, notamment lorsque l’autorité royale est puissante (mais parfois aussi lorsqu’elle cherche à le redevenir)et que le consensus politique est acquis, nul besoin de rechercher une légitimité: «l’apparat est déployé parce qu’on est le roi. Le faste que déploie le monarque est l’aspect physique de sa grandeur naturelle»[55]. Alors, «la vie de cour devient une représentation permanente, autour de la figure du prince, qu’elle est destinée à exalter et magnifier. Il s’agit pour le souverain de faire régulièrement démonstration d’autorité, en accordant une place croissante au visuel, au symbolisme, à l’emblématique»[56]. A travers toute une série de rituels, de signes convenus, «le roi offre un spectacle de majesté [que] des pratiques visuelles contribuent également à créer»[57].

Bien entendu, un tel message est encore amplifié lorsque, à travers l’exaltation iconographique du roi, c’est la grandeur de l’institution qu’il représente que l’on cherche à magnifier[58]. En effet, «Une institution telle que l’État […] est une abstraction. Elle peut recourir à la force pour se faire respecter mais ce n’est pas ce qui la caractérise […]. C’est plutôt la reconnaissance qui fait l’institution, l’affirmation de son existence […]. Or, si cette reconnaissance passe par le vocabulaire, elle passe non moins nécessairement par des symboles qui sont de l’ordre de la représentation»[59]. Autrement dit, entre «les deux corps du roi»[60], la figuration de l’un en majesté, accentue la puissance de l’autre[61] ; en représentant le roi dans toute l’expression de sa puissance,c’est la force et la pérennité de l’institutionmonarchique que l’on entend célébrer.

Lothaire I er trônant, Saint-Martin de Tours, 849-851, BnF, Manuscrits, Latin 266 fol. 1v.
Lothaire I er trônant, Saint-Martin de Tours, 849-851, BnF, Manuscrits, Latin 266 fol. 1v.

Cette réalité est déjà présente sous les carolingien, aux heures fastes de la restauration impériale. La royauté franque, tout en conservant son caractère personnel et patrimonial, marques de l’atavisme germanique, est devenue une fonction publique et ministérielle. Arrêtons-nous un instant sur la figure de Lothaire Ier, fils aîné de Louis le Pieux et petit-fils de Charlemagne, qui porte le titre impérial à partir de la mort de son père en 840.

Il est ici représenté «assis sur son trône orné d’une étoffe probablement cosmique […], la tunique bleue, le manteau pourpre à reflets d’or, [sur la tête] une couronne d’or fermée d’une arche sommée d’un fleuron trifide». Dans sa main droite, Lothaire «tient un long sceptre d’or sommé d’une boule (emblème du monde ?); de la gauche il fait le signe de la parole» renforçant son pouvoir d’ordonner et son autorité. «Deux soldats casqués, de part et d’autre du trône, tiennent les armes impériales, l’épée d’or dans son fourreau à gauche, la lance d’or et le bouclier elliptique à droite»[62].

     Sensiblement à la même époque, son demi-frère, Charles le chauve, qui règne sur la Francia Occidentalis, nous offre une image aussi ostentatoire de majesté: devant «un fond céleste [d’où émerge la main de Dieu], le roi est assis sur un trône orné de lis d’or à son sommet, une tenture rouge semée de points trinitaires soulignant l’aspect cosmique du meuble»[63]. Nous retrouvons, la tunique pourpre, la couronne, le sceptre et à ses côtés, deux soldats casqués portant l’un la lance, l’autre l’épée, signes de sa puissance temporelle, tandis que face à lui, une foule de conseillers ecclésiastiques semblent lui rappeler le contenu de son ministère et la fonction spirituelle qu’il comprend.

Bible de Vivien, dite Première Bible de Charles le Chauve; Saint-Martin de Tours, 845; BnF, Manuscrits, Latin 1 fol. 423.
Bible de Vivien, dite Première Bible de Charles le Chauve; Saint-Martin de Tours, 845; BnF, Manuscrits, Latin 1 fol. 423.

Avec le déclin de l’Empire carolingien, puis le changement de dynastie, les temps sont moins propices à l’exaltation de la majesté royale. Qui ne se souvient de ce jugement sans nuances du moine Richer relatant le règne d’Hugues Capet à la fin du Xe siècle: «le roi, impuissant à régner, vit sans gloire…». Conscients de cette faiblesse, les premiers capétiens vont alors user de tous les moyens pour soutenir et renforcer l’institution royale, notamment sur le plan idéologique: loin de baisser les bras, « tout se passe au contraire comme si la perte de prestige qui atteint la personne du roi incitait à réactiver une réflexion théorique spécialement orientée vers la garantie de l’institution »[64]. Pour l’heure, sur le plan iconographique, «nous n’avons de ces pauvres rois que de tristes représentations»[65], à travers notamment quelques sceaux, mais au fur et à mesure, les capétiens, s’appuyant sur la puissance du monachisme clunisien et le rayonnement de ses abbayes, vont faire tracer les contours d’une puissance royale bien éloignée de l’imbecillitas regis que l’on déplorait.           Dans cette longue entreprise de reconquête du pouvoir et de ses expressions, l’Église est l’alliée de la monarchie capétienne qu’elle entend voir régner sur une société ordonnée. La fameuse idéologie des trois ordres, parachevée au tournant des Xe et XIe siècles par Gérard de Cambrai et Adalbéron de Laon, inscrit la société dans un cadre idéal dans un souci d’organisation, de stabilité et de prééminence de l’épiscopat[66]. On imagine alors une répartition des hommes en trois ordres selon la fonction sociale de chacun: d’abord ceux qui prient (oratores), le premier des ordres, ensuite ceux qui combattent (pugnatores ou bellatores), enfin, ceux qui travaillent (laboratores). Mais ces trois ordres sontinterdépendants, chacun a son utilité et est indispensable aux deux autres: il existe  entre eux une complémentarité, une solidarité qui doit permettre d’atteindre le bien commun, mais aussi une évidente hiérarchie. Cette théorie semble nécessaire pour conforter la structure sociale existante, éviter les désordres et les conflits, mais elle fige la société sur le modèle que l’Église a défini pour elle et dont le roi doit aussi être le bénéficiaire.

Les trois ordres, in Le Régime du corps d'Aldebrandin de Sienne, 1275, Ms Sloane 2435, fol. 85, Londres, British Library.
Les trois ordres, in Le Régime du corps d’Aldebrandin de Sienne, 1275, Ms Sloane 2435, fol. 85, Londres, British Library.

Mais à partir du règne de Philippe-Auguste, la monarchie évolue en même temps que l’assise territoriale du domaine de la couronne: son autorité s’accroît et s’impose au monde féodal tandis que l’institution étatique se renforce. Tout au long du XIIIe siècle, le mouvement s’accentue et l’image du roi en sort renforcée. Sous Philippe le Bel, les pièces de monnaie, les sceaux, représentent à nouveau le roi en majesté. Assis sur son trône (le légendaire trône de Dagobert), il tient dans sa main droite un sceptre et dans la gauche un lis. Dès lors, cette représentation du roi demeure inchangée: l’image du souverain, tout comme l’institution qu’il représente a atteint une perfection qui ne peut que durer[67].

à gauche: Philippe IV le Bel (1285-1314), Masse d’or (1296); à droite: Grand sceau de Philippe IV le Bel.
à gauche: Philippe IV le Bel (1285-1314), Masse d’or (1296); à droite: Grand sceau de Philippe IV le Bel.

Parallèlement les regaliaconservés à l’abbaye de Saint-Denis, sont confortés dans leur fonction et d’autres symboles royaux du pouvoir s’y ajoutent progressivement. Le sacre, même s’il a perdu le rôle « fondateur » qu’il avait auparavant, a gagné en faste et demeure toujours le moment culminant de l’expression de la majesté royale. D’ailleurs, la « scène de sacre » devient, avec le portrait du roi, le genre essentiel de l’iconographie royale[68]. Les signes d’apparat propres à rehausser la majesté sont alors confortés et précisés. Au milieu du XIIIe siècle, la tenue du sacre s’enrichit: à la tunique et au manteau dérivé du paludamentum et de la chlamyde, s’ajouteun manteau bleu fleurdelisé de jaune. Dès lors, la fleur de lis vient « cribler » systématiquement les tenues et décors d’apparat. Son origine est certainement plurielle: biblique, antique, liée au culte virginal de Marie, consécration d’une symbolique trinitaire ; peu importe, la fleur de lis est devenue l’emblème indissociable de la monarchie française qui orne désormais les oriflammes et les bannières. La scène de sacre présente également le roi portant l’épée: d’abord symbole chevaleresque[69], elle devient dans les mains du roi une « épée de justice » (dite « épée de Charlemagne », la célèbre Joyeuse des chansons de geste), symbole de la puissance armée du prince et de l’efficacité de son pouvoir justicier. De même, l’anneau d’or changera également de sens: il manifeste l’alliance indéfectible entre le roi, Dieu et l’Église ; bien plus tard, il symbolisera le mariage mystique entre le roi et le royaume.

Arrêtons-nous un instant sur les sceaux des capétiens (ci-dessus celui de Philippe le Bel). Le sceau est le symbole du monarque agissant et imposant sa volonté: apposé sur un document il sert à authentifier la disposition qui en émane. Le «grand sceau» ou «sceau de majesté» créé par Henri Ier en 1035 le représente assis sur son trône orné de lions qui symbolise, par la solidité de son assise, la puissance de son autorité, tout comme les insignes qu’il porte dans ses mains. Le sceptre, d’origine biblique et apparu lors du sacre de Charles le Chauve en 869, est une sorte de verge prolongée par une fleur de lis à partir du XIIe s. Symbole universel du pouvoir, il représente surtout une autorité d’origine divine. En effet, tenu verticalement, ce sceptre – qui ne va pas sans rappeler le bâton de berger du roi David, tout comme la crosse épiscopale – conjoint le monde céleste et le monde temporel. En quelque sorte «branché sur le ciel», il  sert de canal permettant aux grâces célestes de se répandre sur les sujets. Le roi est ainsi une autorité médiatrice de justice et de bienfaisance[70]. Il en va de même pour la main de justice, qui est un sceptre court surmonté d’une main d’ivoire aux doigts levés en signe de bénédiction, exprimantà la fois la puissance, la majesté et la justice: «Recevez la verge de vertu et d’équité, afin que vous sachiez assurer les bons et faire craindre les mauvais, enseigner le chemin aux dévoyés, tendre la main aux tombés, rabaisser les superbes [et] relever les humbles», tels sont les mots prononcés lors de la remise de cet insigne.

Enfin le roi porte nécessairement une couronne, insigne royal par excellence, qui symbolise l’autorité suprême et qui place le roi au-dessus de toute contestation et de toute concurrence. Ornée de quatre fleurons, symboles trinitaires et signes d’élévation et de puissance, elle place le roi au-dessus des grands barons qui ne portent qu’un cercle métallique sans ornements. Il n’est pas rare, qu’à côté de cette couronne simplement fleurdelisée, le roi de France, « empereur en son royaume», porte aussi la «couronne impériale» (ou «couronne de Charlemagne») des empereurs germaniques: fermée, ornée de quatre fleurs de lis, elle est surtout surmontée d’une coiffe en forme de tiare, symbole de l’état «ecclésiastique» du monarque[71].

Cela nous conduit à souligner une autre réalité. Le roi, désormais souverain, exprime sa souveraineté dans l’ordre interne, en particulier à l’encontre du mode féodal, mais aussi dans l’ordre externe, à l’encontre de l’empereur et du pape. Or à partir du XIIIe siècle, la monarchie française, jusque-là soumise au pouvoir spirituel, revendique, sous l’influence des doctrines thomistes, l’existence d’un droit naturel de l’Etat. Le roi de France rejette le sacerdotalisme médiéval, cet « augustinisme politique »[72] qui a, durant des siècles, opéré une confusion entre spirituel et temporel, et dont l’Église a largement été bénéficiaire. Rejetant l’allégorie des deux glaives formalisée par Bernard de Clairvaux[73] et longtemps soutenue comme doctrine officielle de l’Église, le roi considère qu’une répartition des compétences doit s’imposer: si Dieu reconnaît aux clercs la mission de conduire des hommes vers leur salut, c’est lui qui confie directement le pouvoir temporel au roi. Le glaive temporel que le roi a dans la main, il le tient directement de Dieu lui-même, l’Église étant désormais cantonnée à des fonctions dont elle ne doit plus sortir. Aussi, représente-t-on volontiers le clerc recevant des mains de Dieu les clés de son royaume, tandis qu’il remet directement au roi l’épée symbolisant l’autorité politique.

Enluminure représentant le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel.
Enluminure représentant le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel.

Ajoutons pour finir sur ce point que ce souverain en majesté, dont l’iconographie officielle s’est emparée, est aussi un beau roi. La « majesté glorieuse » relève d’une mise en scène mais aussi d’une figuration spécifique où la beauté du roi traduit sa bonté[74], la virtus corporis n’étant que le reflet de la virtus animae. Aussi, « le regard que les hommes vont porter sur le physique du roi n’est jamais qu’un préalable à l’exaltation de qualités encore plus nobles »[75], des vertus personnelles, des vertus politiques (puissance, majesté, bonté)[76] et, bien entendu,des vertus chrétiennes (humilités, miséricorde, piété et charité) qui sont celles d’un roi « image de Dieu »[77]. Mais le message que délivrent ces représentations est aussi destiné au roi lui-même ; comme dans les Specula(Miroirs aux princes), il est invité à contempler et à se pénétrer de la somme de ses propres vertus en vue de se conduire et de s’améliorer[78]. La représentation du roi se lit comme un modèle, un exemple de vertus pour lui-même et les autres, et on se souvient sans doute de cette célèbre formule du poète latin Claudien d’après laquelle componitur orbis regis ad exemplum (le monde se règle sur le modèle des rois).Encore une leçon à tirer de l’iconographie royale: si le roi est vertueux ses sujets à son image le seront également, et c’est lui qui en tirera le plus d’avantages[79].

Mais si les images d’un roi paré de toutes les vertus le représentent souvent en majesté, orné des symboles de sa souveraineté, celle-ci se manifeste également de manière plus explicite, à travers une multitude d’actions qu’elle autorise désormais.  

  1. Des images d’action

Le roi vertueux, qui cumule les qualités du clerc et du chevalier (et qui est donc sage, pieux, clément, juste, courageux et prudent), devient progressivement un souverain dont le ministère s’amplifie: le métier de roi suppose désormais l’exercice de compétences propres, qui – pour anticiper sur la formule qu’emploiera plus tard Jean Bodin – sont autant de «marques de sa souveraineté». A compter du Bono regimine principis, composé par le moine cistercien Hélinard de Froidmont vers 1210, inspiré du Policraticus de Jean de Salisbury, puis de l’Eruditio regnum principum, adressé à Louis IX par Guilbert de Tournai en 1259, la royauté est envisagée à travers les fonctions du souverain. Or, selon les Miroirs aux princes, considérés comme les «parangons d’une littérature politique souvent purement intellectuelle et savante»[80], ces fonctions ne peuvent être exercées avec profit qu’en mettant en œuvre les vertus nécessaires au prince, que sont la crainte de Dieu, l’application personnelle, la discipline à imposer aux puissants et aux officiers, et l’affection pour les sujets et leur protection[81]. A l’image des Specula, les représentations iconographiques du roi suivent le même chemin et construisent progressivement un ensemble cohérent destiné à exposer une symbolique du pouvoir en action[82].

Vie de Saint Louis, Guilhaume de Saint-Pathus, 1330, BnF, département des manuscrits, fr 5716.
Vie de Saint Louis, Guilhaume de Saint-Pathus, 1330, BnF, département des manuscrits, fr 5716.

Ainsi, Saint Louis est-il représenté avant tout comme la référence spirituelle qu’il incarne. Sa foi est ardente, son humilité sans failles, sa charité extrême envers les pauvres et les malades: les miniatures le figurent alors en roi miséricordieux, lavant les pieds des pauvres, les servant à table ou secourant les lépreux ; il est un modèle de comportement chrétien[83].

Le roi et son conseil extrait de Colette Beaune, Le miroir du pouvoir, 1989, Hervas, Paris.
Le roi et son conseil extrait de Colette Beaune, Le miroir du pouvoir, 1989, Hervas, Paris.

Une autre image, sans doute moins fréquente, est celle d’un roi éclairé, c’est-à-dire qui se doit de recueillir l’avis de ses proches ; toute disposition solitaire est en effet considérée comme mauvaise et la décision royale doit naître du conseil. On sait que tant que le roi ne s’est pas dégagé de la féodalité, il ne peut «légiférer» en dehors de son domaine qu’avec le consentement de ses vassaux: une véritable cour plénière doit se réunir pour que puisse être arrêtée une décision de portée générale. Mais plus s’affirme la «souveraineté normative»[84] du prince, plus il se dégage de cette contrainte: à partir du milieu du XIIIe siècle, une décision est acquise à la majorité et cela suffit pour engager la totalité des vassaux. Puis, sous Philippe le Bel, seul un petit nombre de vassaux est appelé à siéger au conseil du roi, où la composante technique – celle des légistes – se substitue progressivement à l’élément féodal. C’est dans ces conditions que le conseil devient l’organe à la fois de concertation et de décision où s’exercera pour l’essentiel le pouvoir normatif d’un souverain qui donne aussi volontiers l’image du «bon législateur».

Saint Louis prononçant la condamnation d’Enguerrand de Coucy.

Vie de Saint Louis, Guilhaume de Saint-Pathus, 1330, BnF, département des manuscrits, fr 5716.
Vie de Saint Louis, Guilhaume de Saint-Pathus, 1330, BnF, département des manuscrits, fr 5716.

Mais édicter des normes, faire des «établissements » n’est rien si le roi ne dispose pas des moyens de les faire respecter: l’effectivité du droit repose sur la force, la contrainte, parfois sur la guerre. D’ailleurs la guerre n’est pas mauvaise en soi; elle est le moyen ordinaire de laver un affront, d’affirmer son pouvoir, de faire triompher son droit. Les miniatures nous offrent alors l’image d’un roi guerrier qui mène une guerre juste pour faire triompher le bien – découlant de la religion ou de ses propres dispositions – et assurer la paix. A gauche, il s’agit sans doute de Charlemagne combattant les maures, dont on nous livre une représentation diabolique: il faut dire que ses guerres sont considérées comme des croisades, et ses soldats comme des moines chargés de combattre les hérétiques et les païens. À droite, on reconnaît Philippe-Auguste saturé de fleurs de lis; à la bataille de Bouvines (1214) il triomphe de l’empereur de Germanie, Otton IV, que l’on reconnaît à son bouclier portant l’aigle impérial.Réunissant autour de lui les «enfants de la France», il punit les vassaux rebelles, à la tête desquels Jean sans terres, et affirme la puissance d’une monarchie souveraine face aux menaces impériales[85].

à droite, Bataille de Bouvines entre Philippe Auguste et l'empereur Otton IV (1214) ; Grandes Chroniques de France, Paris, XIVe siècle Paris, BnF, Département des manuscrits.
à droite, Bataille de Bouvines entre Philippe Auguste et l’empereur Otton IV (1214) ; Grandes Chroniques de France, Paris, XIVe siècle Paris, BnF, Département des manuscrits.

Mais parmi les images du roi capétien au sortir du Moyen-Âge, il est une qui demeure sans doute plus représentative que les autres de sa souveraineté: c’est celle du roi justicier. L’affirmation d’une justice souveraine qui s’impose progressivement aux justices concurrentes (seigneuriales, urbaines, justices d’Église) est en effet la plus ardue mais aussi la plus importante des manifestations d’autorité dont le roi sera capable. C’est notamment par la voie de l’appel que le roi parvient à subordonner les puissantes juridictions seigneuriales et les soumettre à son autorité, et c’est encore l’image de Saint Louis qui est utilisée pour monter que la justice est à la fois la principale vertu et le principal devoir du roi, car elle est gage de stabilité et de paix[86]. Enguerrand de Coucy[87] a fait pendre trois nobles jouvenceaux flamands surpris à chasser sur ses terres. Les condamnées sont en chemise, les mains liées derrière le dossommairement pendus à un arbre et non à un gibet, symbole d’une justice régulière. A droite, Saint Louis enquête et juge le baron coupable: pour cela il entend des témoins, au premier rang desquelles deux femmes, le doigt levé pour attirer l’attention sur ce qu’elles affirment[88] ; Enguerrand sera pardonné à condition de soutenir de multiples fondations pieuses pour obtenir le rachat de sa faute.

Saint Louis prononçant la condamnation d’Enguerrand de Coucy.
Saint Louis prononçant la condamnation d’Enguerrand de Coucy.

     Mais pour insister sur cette fonction d’un roi à la fois «source» et «fontaine de justice», les artistes n’hésitent pas à mobiliser aussi des thèmes remontant aux origines de la royauté franque, et détourner, à l’usage de la monarchie, des légendes nécessairement embellies. Cette image hagiographique et clairement fausse rappelle le célèbre épisode du vase de Soissons, où Clovis tranche la tête d’un de ses soldats qui n’a pas respecté ses ordres relatifs au partage du butin. Elle nous renvoie à l’idée d’une justice intransigeante et absolue dont les capétiens ont besoin de rappeler qu’elle remonte à des origines lointaines.

Clovis justicier, miniature extraite des Grandes Chroniques de France, XIVè siècle, BnF.
Clovis justicier, miniature extraite des Grandes Chroniques de France, XIVè siècle, BnF.

Pour autant, si cela enracine et donc légitime la fonction justicière du roi, cela nous montre aussi que les images modifient la réalité, elles la réinventent au service de la nouvelle posture politique du monarque.

     Or, un tel usage de ces représentations peut devenir dangereux si elles échappent au contrôle du roi et de son entourage, et qu’elles sont l’œuvre d’auteurs voulant offrir délibérément une image du monarque qui n’est peut-être pas celle qu’il aurait souhaitée. Pour illustrer cette idée, revenons un instant aux temps carolingiens, lorsque les évêques mettent tout en œuvre pour rétablir l’épiscopat dans son rôle de conseiller des rois. Ils défendent alors l’idée paulienne (Nulla potestas nisi a Deo) selon laquelle toute autorité vient d’en haut à laquelle ils ajoutent la conviction qu’il appartient aux évêques, «médiateurs entre Dieu et les hommes», de la transmettre ; en d’autres termes, parce qu’ils sont détenteurs de la sapientia, ils doivent «instruire» voire admonester le jeune roi.

Couronnement de Louis le Pieux, Enluminure illustrant un manuscrit des Grandes Chroniques de France, XIVe siècle. Musée Goya, Castres.
Couronnement de Louis le Pieux, Enluminure illustrant un manuscrit des Grandes Chroniques de France, XIVe siècle. Musée Goya, Castres.

Telle est l’idée qui préside à la représentation du couronnement de Louis le Pieux, couronnée sans doute, mais réduit à une stature d’enfant, un roi faible et soumis à l’autorité des évêques. A n’en pas douter, la conception carolingienne de la royauté, que défend par exemple un Hincmar de Reims, est celle d’un «roi episcopalisé»[89].

Louis le Pieux entouré de deux évêques.
Louis le Pieux entouré de deux évêques.

On voit ici Louis le Pieux aux prises avec deux évêques qui l’entourent (le «gouvernement des évêques»),et qui définissent eux-mêmes le contenu du ministerium regis[90]: subordonné au pouvoir spirituel, le temporel n’est plus qu’un agent de l’auctoritas des évêques, et a prioritairement pour mission de gouverner avec humilité, charité, piété et miséricorde afin de conduire le peuple chrétien sur la voie du salut.

     Le denier exemple est plus tardif. C’est une miniature des premières années du XIVe siècle représentant le conseil de l’âne Fauvel réuni pour la prise d’une grande décision, qui constitue «l’apologie satirique du mauvais gouvernement»[91]. L’auteur est un certain Gervais du Bus, chapelain du chambellan et principal ministre du roi, le rouquin Enguerrand de Marigny[92]. L’âne couronné représente le chambellan ou peut-être le roi lui-même, Philippe le Bel. Son prénom, Fauvel, (qui est «faux» ou qui a le poil «fauve»), est aussi un sigle qui signifie: Flatterie, Avarice, Vilenie, Vanité, Envie, Lâcheté, en quelque sorte un résumé de tous ses vices, auxquels s’ajoute un projet matrimonial avec une dénommée Vaine Gloire qui a promis de l’enrichir[93]. Fauvel est figuré comme « un âne couronné, orgueilleux, intriguant et tyrannique qui aspire à régner sur le monde »[94] ; il siège gauche (place défavorable), de profil, et dans une position familière, les jambes croisées, ce qui traduit le désordre et l’incertitude de ses résolutions. A droite on découvre un conseil où les mains levées symbolisent des paroles divergentes, et les bras qui se croisent la mésentente et la contradiction ; à n’en pas douter une manière pour Gervais du Bus de stigmatiser tous les travers de la cour et la perversion des gouvernants.

Miniature tirée du Roman de Fauvel (1310-1314) de Gervais du Buset Raoul Chaillou de Pesstain - illustré par Raoul le Petit (1326) BnF.
Miniature tirée du Roman de Fauvel (1310-1314) de Gervais du Buset Raoul Chaillou de Pesstain – illustré par Raoul le Petit (1326) BnF.

Au terme de ce rapide survol de la représentation iconographique du roi médiéval, il faut bien constater qu’au-delà de la fonction légitimante de certaines images, il s’agit surtout de représenter le monarque dans toute sa majesté, qu’elle soit réelle ou espérée. Celle-ci se traduit par des symboles d’apparat et des mises en scène convenues (le roi siégeant en majesté ou les récurrentes scènes de sacre), mais aussi par des représentations d’action démultipliant l’idée d’une souveraineté omniprésente: les miniatures deviennent autant de gestes d’autorité et de puissance. Mais si les images du roi sont des armes puissantes, elles peuvent aussi s’avérer dangereuses lorsqu’elles échappent au contrôle du pouvoir. C’est la raison pour laquelle elles doivent être maîtrisées, et il ne fait pas de doute que durant les siècles suivants la monarchie saura s’en rappeler.

Lisez l’article en format PDF.

BIBLOGRAPHIE

Alibert Dominique, 1994, Les carolingiens et leurs images. thèse histoire, Paris I.

Alibert Dominique, 1998, «Sacre royal et onction royale à l’époque carolingienne». In Anthropologies juridiques, mélanges Pierre Braun. P.U.L., Limoges.

Alibert Dominique, 2012, «Naissance des idéologies médiévales dans les images politiques carolingiennes». In Emmanuelle Santinelli-Foltz et Christian-Georges Schwentzel, La puissance royale, Images et pouvoir de l’Antiquité au Moyen-Âge. PUR, Rennes.

Alibert Dominique, 2013, «Le roi, son peuple et l’ordre du monde dans l’idéologie politique du haut Moyen-Âge». In Le prince, son peuple et le bien commun : de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen-Âge, sous la dir. Hervé Oudart, Jean-Michel Picard et Joëlle Quaghebeur. PUR, Rennes.

Arquillière Henri-Xavier, 2006, L’augustinisme politique. Essai sur la formation des doctrines politiques au Moyen-Âge. Vrin, Paris.

Barbey Jean, 1992, Être roi. Le roi et son gouvernement de Clovis à Louis XVI. Fayard, Paris.

Baumgartner Ingrid, Vagnoni Mirko e Welton Megan sous la dir., 2014, Representations of Power at the Mediterranean Borders of Europe (XIIth– XIVthCenturies). SISMEL – Edizioni del Galluzzo, Firenze.

Beaune Colette, 1989, Le miroir du pouvoir. Hervas, Paris.

Blanchard Joël sous la dir., 1995, Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen-Âge. Picard, Paris.

Bonhomme Julien et JAOUAL Nicolas, 2010, «Grands hommes vus d’en bas. L’iconographie officielle et ses usages populaires». In Gradhiva, n°11.

Boucheron Patrick, 2013, Conjurer la peur. Essai sur la force politique des images. Sienne 1388. Seuil, Paris.

Boulnois Olivier, 2008, Au-delà de l’image. Une archéologie du visuel au Moyen-Âge Ve-XVIe siècles. Seuil, Paris.

Buc Philippe, 2001, «Rituel politique et imaginaire au Haut Moyen-Âge». In Revue historique.

Bührer-Thierry Genevieve, 1988, «L’héritage romain transmué : l’alchimie du haut Moyen-Âge». In Médiévales, n°15.

Citron Suzanne, 1987, Le mythe national, l’histoire de France en question. Ed. ouvrières, Paris.

Coativy Yves, 2012, «Les représentations monétaires des rois de France», in Emmanuelle Santinelli-Foltz et Christian-Georges Schwentzel, La puissance royale, Images et pouvoir de l’Antiquité au Moyen-Âge. PUR, Rennes.

Collectif, 2002, Images du pouvoir, pouvoir des images, 2002, Figures. Université de Bourgogne, Cahier, n°29.

De Hammel Christophe, 2001, Des livres pour les empereurs. Une histoire des manuscrits enluminés. Phaïdon, Paris.

Deniaux Elisabeth sous la dir., 2000, Rome antique, pouvoir des images, images du pouvoir, Colloque de Caen, 1996. Presses universitaire de Caen, Caen.

Duby Georges, 1973, Le dimanche de Bouvines. Gallimard, Paris.

Duby Georges, 1978, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme. Gallimard, Paris.

Duprat Annie, 2007, Images et histoire. Outils et méthodes d’analyse des documents iconographiques. Belin, Paris.

Ellenius Allan sous la dir., 2001, Iconographie, propagande et légitimation. PUF, Paris.

Ellenius Allan, 2001, «La représentation visuelle de l’État comme propagande et légitimation». In Iconographie, propagande et légitimation, sous la dir Allan Ellenius. PUF, Paris.

Favier Jean, 1963, Un conseiller de Philippe le Bel : Enguerrand de Marigny. PUF, Paris.

Fournès Ghislaine et LACOMBE Marta sous la dir., 2007, Images du pouvoir, pouvoir des images dans l’Espagne médiévale, Colloque de Bordeaux, 2006. In e-Spania Revue multidisciplinaire d’études hispaniques médiévales et modernes, n° 3.

Gaborit-Chopin Danielle, 1987, Regalia. Les instruments du sacre des rois de France. Ed. de la réunion des musées nationaux, Paris.

Gady Bénédicte, 2003, «Compte-rendu d’un colloque international. L’image du roi (1500-1650) organisé par le centre allemand d’histoire de l’art». In Bulletin monumental, n°3, t. 1671.

Gervereau Laurent, 1997, Voir, comprendre et analyser les images. La découverte, Paris.

Gisey Ralph E., 1987, «Les deux corps du roi». In Cérémonial et puissance souveraine, France XVe-XVIIe siècles. A. Colin, Paris.

Grévin Benoît, 2008, «Les mystères rhétoriques de l’État médiéval. L’écriture du pouvoir en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle». In Annales. Histoire, Sciences Sociales, n°2.

Guerreau Alain, 2001, L’avenir d’un passé incertain. Perrin, Paris.

Heinzelmann Martin, «Prosopographie et recherche de continuité historique: l’exemple des Ve-VIIe siècles». In Mélanges de l’Ecole française de Rome. Moyen-Âge, Temps modernes, 1988, n°100-1.

Isaïa Céline, 2014, Histoire des carolingiens VIIIe-Xe siècles. Seuil, Paris.

Johannesson Kurt, 2001, «Le portrait du prince comme genre rhétorique». In Iconographie, propagande et légitimation, sous la dir. Allan Ellenius. PUF, Paris.

Kantorowicz Ernst, 1989, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen-Âge (1957). Gallimard, Paris.

Krynen Jacques, 1993, L’empire du roi. Idées et croyances politiques en France XIIIe-XVe siècles. Fayard, Paris.

Lebecq Stéphane, 1990, Les origines franques, Ve-IXe siècles. Seuil, Paris.

Le Goff Jacques, 2014, Les intellectuels au Moyen-Âge. Seuil, Paris.

Lignereux Yann, 2010, «Le visage du roi, de François Ier à Louis XIV». In Revue d’histoire moderne et contemporaine, n°57-4.

Mairey Aude, 2008, «Les langages politiques au Moyen-Âge XIIe-XVe siècles». In Médiévales, n°57.

Marin Louis, 1981, Le portrait du roi. Editions de Minuit, Paris.

Már Jónsson Einar, 2006, «Les miroirs aux princes sont-ils un genre littéraire?». In Médiévales, n°51.

Morel Barbara, 2007, Une iconographie de la répression judiciaire. Le châtiment dans l’enluminure en France du XIIIe au XVe siècle. CTHS, Paris.

Pächt Otto, 1997, L’enluminure médiévale. Macula, Paris.

Paravicini Bagliani Agostino, 1994, Il corpo del papa. Einaudi, Torino.

Paravicini Bagliani Agostino, 2005, Le chiavi e la tiar : immagini e simboli del papato medievale. Viella, Roma.

Pinelli Antonio et al., 2012, «Le portrait du roi: entre art, histoire, anthropologie et sémiologie». In Perspective.

Pinoteau Hervé, 2003, La symbolique royale française Ve-XVIIIe siècles. PSR, La Roche-Rigault.

Riché Jean, 1994, L’empire carolingien. Hachette, Paris.

Rigaudière Albert, 2010, Histoire du droit et des institutions dans la France médiévale et moderne. Economica, Paris,  4e ed.

Rouche Michel, 1997, «L’empire carolingien ou l’Europe avortée». In Les empires occidentaux, de Rome à Berlin, sous la dir. Jean Tulard. Presses Universitaires de France, Paris.

Rouche Michel, 2003, Le choc des cultures: romanité, germanité, chrétienté durant le Haut Moyen âge. Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq.

Rouger-Thirion Dominique, 1993, Baguette et bâton. De l’instrument magico-religieux au symbole juridique. Thèse droit, Paris II.

Russo Daniel, 1995, «Les modes de représentation du pouvoir en Europe dans l’iconographie du XIVe siècle. Etudes comparées». In Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen-Âge, sous la dir. Joël Blanchard. Picard, Paris.

Santinelli-Foltz Emmanuelle et Schwentzl Christian-Georges, 2012, La puissance royale, Images et pouvoir de l’Antiquité au Moyen-Âge. PUR, Rennes.

Santinelli-Foltz Emmanuelle et Schwentzl Christian-Georges, «Images et pouvoir monarchique: représentation de la puissance royale de l’Antiquité au Moyen-Âge». In Santinelli-FoltzEmmanuelle, Schwentzel Christian-Georges, La puissance royale, Images et pouvoir de l’Antiquité au Moyen-Âge. Rennes, PUR, 2012.

Sassier Yves, 2002, Royauté et idéologie au Moyen-Âge, Bas Empire, France, IVe-XIIe siècle. Armand Colin, Paris.

Schmitt Jean-Claude, 1996, «Imago, de l’image à l’imaginaire», in Jérôme Baschet et Jean-Claude Schmitt, L’image, fonction et usage des images dans l’occident médiéval. Cahiers du léopard d’or.

Schmitt Jean-Claude, 2008, «Les images médiévales». In Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre.

Sennelart Michel, 1995, Les arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement. Seuil, Paris.

Signorile Marc, 2012, Art et propagande. Sulliver, Paris.

Vagnoni Mirko, 2008, «Caesar semper Augustus. Un aspetto dell’iconografia di Federico II di Svevia » in Mediaeval Sophia. Studi e ricerche sui saperi medievali, E-Review semestrale dell’Officina di Studi Medievali.

Vagnoni Mirko, 2009, «L’immagine dei re di Sicilia». In Svevi, Angioini, Aragonesi. Alle origini delle Due Sicilie, sous la dir. Marco Bussagli, Glauco Maria Canterella,  Fulvio Delle Donne, Luigi Russo, Mirko Vagnoni. Fagagna, Udine.

Vagnoni Mirko, 2013, «Royal Images and Sacred Elements in Norman-Swabian and Angevin-Aragonese Kingdom of Sicily». In El component árabe en el arte de Sicilia. Las cuestiones sicilianas: Primer seminario internacional sobre la Sicilia árabe. Instituto de Lenguas y Culturas del Mediterráneo y Oriente Próximo, Madrid.

Veyne Paul, 2002, «Lisibilité des images, propagande et apparat monarchique dans l’Empire romain». In Revue historique, n°621.

Werner Karl Ferdinand, 1984, Histoire de France. Les origines. Fayard, Paris.

Wirth Jean, 1989, L’image médiévale. Naissance et développements, VIe-XVe siècles. Méridiens Klincksieck, Paris.

Wunenburger Jean-Jacques, 2002, «L’imaginaire politique: entre mythe et mystification», Images du pouvoir, pouvoir des images. In Figures, Université de Bourgogne, Cahier, n°29.

[1] E. Deniaux, 2000 ; G. Fournès, M. Lacomba, 2007.

[2] E. Santinelli-Foltz, C.G. Schwentzel, 2012, 11.

[3] A. Paravicini Bagliani, 2005 ; A. Paravicini Bagliani, 1994.

[4] J.C. Schmitt, 2008, 2.

[5] J. Barbey, 1992, 198.

[6] A. Duprat, 2007, 48.

[7] «Toutes ces images […] ont en commun de délivrer une expression du pouvoir. La monarchie s’exprime et est perçue au travers de ces représentations chargées de sens. Les images sont appréhendées comme langage du pouvoir»: E. Santinelli-Foltz, C.G. Schwentzel, 2012, 16.

[8] A. Mairey, 2009, 10.

[9] J.J. Wunenburger, 2002, 9-10.

[10] J. Krynen, 1993, 48 et 51 ; B. Grévin, 2008, 271-300.

[11] Notre étude s’inscrit donc dans cette perspective qui est celle d’Y. Sassier, 2002.

[12]E. Santinelli-Foltz, C.G. Schwentzel, 2012, 24.

[13] Ce qui n’empêchera pas quelques incursions dans le courant du XIIIe siècle, jusqu’aux règnes de Saint Louis et de Philippe le Bel.

[14] L. Gervereau, 1997, 36 et s. ; A. Pinelli et al., 2012, 20.

[15]A. Duprat, 2007, 47.

[16] O. Pächt, 1997, 129 et s.

[17] C. Beaune, 1989, 14 : « la production de manuscrits au Moyen-Âge ».

[18] L’histoire de l’enluminure met clairement en évidence cette permanence et le travail d’imitation des enlumineurs de générations successives : C. de Hammel, 2001, 60.

[19]A. Ellenius, 2001, 7.

[20] Ce n’est qu’au XIIIe siècle que le développement des universités permet l’apparition de nouvelles structures de production de livres : C. Beaune, 1989, 17.

[21] J. Krynen, 1993, 8 ; J. Le Goff, 2014.

[22] «Ce que l’écrit procure aux gens qui lisent, la peinture le fournit aux illettrés qui la regardent» : cité par O. Boulnois, 2008, 82, 86, 90-92.

[23] Comme les concepteurs de la colonne trajane étudiés par P. Veyne, ces «artistes ses soucient généralement peu d’être compris du vulgaire» : P. Veyne, 2002, 14.

[24] «La faible lisibilité d’une imagerie peu visible ne signifie pas pour autant que l’iconographie est une vaine science qui ne nous apprendrait rien sur une société, ses réalités, ses idées ; au contraire, une image trop savante […] traduit au moins les idées de ceux qui ont conçu cette image et qui sont souvent proches des autorités politiques ou religieuses ; elle représente une doctrine officielle»: Paul Veyne, 2002, 3-4.

[25] L. Gervereau, 1997, 39.

[26] G. Sabatier, in A. Pinelli et al., 2012, 23.

[27] «Le substantif ‘politique’ est un macro-concept étroitement lié à la société européenne contemporaine, dont il désigne synthétiquement un ensemble très intriqué et organisé de représentations, d’institutions et de stratégies»: A. Guerreau, 2001, 262, cité par A. Mairey, 2008, 5.

[28] Le terme lui-même a été utilisé au XVIe siècle pour qualifier la Congrégation de propaganda fide développée dans le cadre de la contre-réforme.

[29] G. Sabatier, in A. Pinelli et al., 2012, 23.

[30] P. Veyne, 2002, 20-21.

[31] Selon cette approche, l’effigie du monarque remplit une fonction de substitution: l’image devient l’incarnation du roi, qui est lui-même le représentant de Dieu sur terre (J.J. Wunenburger, 2002, 13-14). L’image du roi peut alors bénéficier d’une adoration, que l’on refuse par ailleurs aux images de Dieu en tant que telles (O. Boulnois, 2008, 89 ; J.C. Schmitt, 1996, 9).

[32] A. Duprat, 2007, 48-48 et 77.

[33] E. Santinelli-Foltz, C.G. Schwentzel, 2012, 13-15.

[34] On songe ici par exemple à la fresque qui orne le palais communal de Sienne : P. Boucheron, 2013.

[35] J. Bonhomme, N. Jaoual, 2010, 3.

[36] K.F. Werner, 1984 ; S. Lebecq, 1990.

[37] Y. Sassier, 2002, 72-73.

[38] H. Pinoteau, 2003, 49-53 ; quant aux pièces de monnaie, elles entretiennent cette même ambivalence : Idem, 56-59.

[39] D. Alibert, 1994 ; D. Alibert, 2012, 85 ; D. Alibert, 2013, 67-84 ;  G. Bührer-Thierry, 1988, 32-36 ; on pense ici aux logiques de l’imperial continuity: M. Rouche, 1997 et 2003 ; M. Heinzelmann, 1988.

[40] J. Riché, 1994 ; C. Isaïa, 2014.

[41] H. Pinoteau, 2003, 95 et 109.

[42] C’est au concile d’Aix en 809 qu’est définitivement affirmée la doctrine du Filioque.

[43] S. Citron, 1987.

[44] C. Beaune, 1989, 41.

[45] «Le dessin d’Hincmar était clair: Dieu s’était manifesté dès la naissance de la royauté franque, marquant ainsi sa préférence et les espoirs qu’il fondait sur elle»: J. Krynen, 1993, 27.

[46] D. Gaborit-Chopin, 1987, 44.

[47] D. Alibert, 1998, 19-44 ; P. Buc, 2001, 843-883.

[48] «La cérémonie de l’onction rendait manifeste que le choix du peuple – de ses grands et des évêques – était le choix de Dieu, que tout nouveau prince l’était par la faveur divine»: Y. Sassier, 2002, 114.

[49] Idem, 7-8: notamment l’ordo de Francia occidentalis (vers 900), celui de Fulrad (vers 980), puis l’ordo de Reims (en 1230).

[50] Le roi est oint sur la tête, la poitrine, entre les épaules, sur les épaules à la jointure des bras et sur les mains, tous les points du corps dont émane la force qui lui sera nécessaire pour gouverner.

[51] D. Gaborit-Chopin, 1987, 17-18.

[52] C. Beaune, 989, 127.

[53] Ivi, 128.

[54] J. Barbey, 1992, 201.

[55] P. Veyne, 2002, 23 ; B. Gady, 2003, 255-257.

[56] E. Santinelli-Foltz, C.G. Georges Schwentzel, 2012, 18.

[57] J. Barbey, 1992, 187.

[58] À titre de comparaison, dans des régions plus méditerranéennes : M. Vagnoni, 2008, 2009 et 2013 ; I. Baumgartner, M. Vagnoni, M. Welton, 2014.

[59] J. Wirth, 1989, 207.

[60] E. Kantorowicz, 1957; R.E. Gisey, 1987, 9-40.

[61] «La théorie des deux corps du roi peut servir à analyser les portraits des monarques» : A. Pinelli, 2012, 19.

[62] H. Pinoteau, 2003, 100-101.

[63] Ivi, 103-105.

[64] J. Krynen, 1993, 10.

[65] H. Pinoteau, 2003, 169.

[66] G. Duby, 1978.

[67] Y. Coativy, 2012,209-210 ; plus tard, «l’idée naissante d’un État national contribuera [encore] à l’essor des […] schémas iconographiques appropriés aux messages emblématiques ou aux besoins de l’apothéose royale»: A. Ellenius, 2001, 9.

[68] Les développements qui suivent sont inspirés de J. Barbey, 1992, 192-198; H. Pinoteau, 2003, 287-324; D. Gaborit-Chopin, 1987, 20-88.

[69] Il en va de même pour les éperons qui sont un insigne chevaleresque.

[70] Une étude très approfondie dans D. Rouger-Thirion, 1993.

[71] De  larges développements dans H. Pinoteau, 2003, 287-304.

[72] H.X. Arquillière, 1955.

[73] Y. Sassier, 2002, 276-278.

[74] Y. Lignereux, 2010, 30-50; A. Pinelli et al., 2012, 11.

[75] J. Krynen, 1993, 31.

[76] L. Marin, 1981, 253-255.

[77] Sur le rex imago Dei, M. Sennelart, 1995, 145-153.

[78] Idem, 49.

[79] K.Johannesson, 2001, 18.

[80]A. Mairey, 2008, 10; E. Már Jónsson, 2006, 153-166.

[81] J. Krynen, 1993,170-171 ; cette vision culminera avec le De regimine  principum de Gilles de Rome (1279).

[82] D. Russo, 1995, 178.

[83] C. Beaune, 1989, 55-56.

[84] L’expression est d’A. Rigaudière, 2010, 459.

[85] G. Duby, 1973.

[86]B. Morel, 2007.

[87] Il s’agit d’Enguerrand IV de Coucy (né vers 1228 – mort en 1310), vicomte de Meaux, sire de Coucy, seigneur de Montmirail.

[88] C. Beaune, 1989, 90.

[89] J. Krynen, 1993,21-23.

[90] Y. Sassier, 2002, 136-144.

[91] C. Beaune, 1989, 86 ; M. Signorile, 2012, 79, y voit «un exemple de contre-propagande […] emblématique de la critique politique».

[92] J. Favier, 1963.

[93] Ses conseillers se nomment Convoitise, Détractation, Haine, Rancune, Ivresse, Présomption, Outrecuidance, Trahison, Meurtre Parjure et Sodomie: M. Signorile, 2012, 80.

[94] A. Duprat, 2007, 179-180.

images, puvoir, représentation iconographique du roi médiéval

I nostri recapiti

Redazione

Via delle Rosine, 15 - 10123 Torino

Sede di studio

Via delle Rosine, 11 - 10123 TORINO

 

ISSN

ISSN 2421-4302

powered by